Ste Catherine d’Alexandrie, martyre au IVe Siècle
Peu de saintes ont été populaires à l’égal de sainte Catherine seule parmi tous les habitants du paradis, on la voit apparaître dans tous les vieux vitraux avec la triple auréole : l’auréole blanche des vierges, la verte des docteurs, et la rouge des martyrs.
Sainte Catherine, dont le culte est universellement répandu en Orient comme en Occident, est la patronne des philosophes et des jeunes filles ; mais aussi de plus de trente corporations : meuniers, charrons, rémouleurs, tourneurs et potiers, cordiers et fileuses, corroyeurs, tanneurs, bourreliers et cordonniers, miroitiers, étameurs et plombiers, drapiers aussi.
Mais elle fut surtout, et elle reste toujours la patronne des jeunes filles : d’abord, parce qu’elle honore leur âge par sa vertu, et aussi parce qu’elle fut la fiancée du Christ qui lui mit au doigt l’anneau nuptial. C’est aux jeunes filles qu’il fut toujours réservé de poser sur la tête de la Vierge d’Alexandrie la couronne symbolique, et ce privilège disparaissait le jour où la jeune fille se mariait. De là l’expression commune de « coiffer sainte Catherine », expression dont le vrai sens s’est un peu déformé de nos jours.
Et cependant, si populaire que soit l’histoire de sainte Catherine, il n’y en a pas de moins connue dans les premiers siècles. Trois traits forment la trame de sa vie : l’Anneau qu’après son baptême, la Sainte Vierge lui offrit pour la fiancer au Roi du ciel ; – sa discussion avec les cinquante philosophes qu’elle réduisit au silence ; – et la roue sur laquelle l’empereur Maximin la fit attacher et qui vola en éclats. Alors, l’empereur lui fit trancher la tête. – Après sa mort, les anges enlevèrent son corps et le transportèrent sur le mont Sinaï.
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Il y avait alors à Alexandrie en Egypte une fille de roi, âgée de dix-huit ans, qui s’appelait Catherine. Après la mort de son père, elle s’était retirée, avec une nombreuse domesticité, dans son palais où elle avait appris les sciences et les arts, les poètes et les philosophes.
Catherine est née vers 290.
Belle et intelligente, elle est très orgueilleuse. Elle trouve ses prétendants trop imparfaits pour elle. Jusqu’au jour où l’ermite Ananias lui suggère de choisir Jésus-Christ. Mais ce dernier lui fait dire qu’elle est trop altière et qu’il n’en veut pas. Catherine se rend compte du ridicule de son comportement. Dès lors, elle met son intelligence au service de la foi.
La Passio de sainte Catherine d’Alexandrie rapporte que l’empereur Maximin vint siéger à son tribunal dans la ville d’Alexandrie et ordonna de convoquer ses sujets qui, sous peine de mort, devaient sacrifier aux idoles ; les riches devaient immoler des taureaux et les pauvres devaient immoler des oiseaux. L’Empereur lui-même immola cent trente taureaux. Les chrétiens remplis de crainte n’osaient proclamer leur foi. Durant cette grande fête du paganisme, célébrée en présence de l’empereur Maximin, elle eut l’audace de se présenter devant lui, de lui montrer la vanité des idoles et la vérité de la religion chrétienne.
Quand elle entendit les instruments de musique, les cris des animaux et les pleurs de ceux qui n’osaient s’avouer chrétiens, escortée de quelques serviteurs, Catherine se rendit au temple où se trouvait l’Empereur et, après avoir fait le signe de la Croix, elle entra.
Elle était plus belle que toutes les femmes et, dès qu’il la vit, l’Empereur ordonna qu’on la lui présentât. Aussitôt elle l’admonesta « Pourquoi veux-tu perdre toute cette foule par l’erreur des idoles ? Apprends à connaître le Dieu créateur du monde et son Fils unique Jésus-Christ qui par sa croix a délivré le monde de la géhenne. » Ne sachant que répondre, l’Empereur la pria de le laisser achever le sacrifice et ordonna à ses officiers de la conduire au palais où il l’interrogea : « Qui es-tu ? quel est ton nom ? que veux-tu nous expliquer ? » Catherine répondit : « Comment ne me connais-tu pas ? Je suis de l’illustre descendance du roi Costos et je m’appelle Catherine. J’ai appris les langues, toute la science des philosophes et des poètes, mais j’ai compris que tout cela était vain, je l’ai laissé et j’ai suivi mon Seigneur Jésus-Christ. »
Elle expose sa foi avec tant de finesse que 200 soldats se convertissent en l’écoutant. Ils seront tous massacrés.
La fête terminée, Maximin, étonné du courage et de l’éloquence de la jeune fille, réunit cinquante des plus savants docteurs du paganisme et leur ordonna de discuter avec sainte Catherine. Elle soutint victorieusement la dispute avec les cinquante philosophes alexandrins.
En effet préparée par la prière et le jeûne, elle commença la discussion et fit un discours si profond et si sublime sur la religion de Jésus-Christ comparée au culte des faux dieux, que les cinquante philosophes, éclairés par sa parole en même temps que touchés de la grâce, proclamèrent la vérité de la croyance de sainte Catherine.
Cependant Maximin, malgré sa fureur, plein d’admiration pour la beauté et les hautes qualités de sainte Catherine, espéra la vaincre par l’ambition en lui promettant sa main. Il essuya un refus plein de mépris. Furieux de cet échec, Maximien fit brûler vifs les philosophes, et condamna Catherine à être déchirée par une roue garnie de pointes ; comme sa roue se brisa miraculeusement, Catherine mourut décapitée.
C’était le 25 novembre de l’an 307, saint Marcel Ier étant pape et Maximin empereur.
Son corps fut transporté par la suite par les anges sur le mont Sinaï (collecte), où il repose encore maintenant.
Epilogue
Avant de mourir, elle avait demandé et obtenu deux choses de son divin Époux : que son corps fût respecté après le supplice, et que l’ère des persécutions prit bientôt fin. Un Ange lui avait donné l’assurance que sa prière était exaucée.
Sainte Catherine est représentée avec la roue de son martyre, comme on peut le voir avec la splendide statue qui se trouve dans l’église de Francheville. Elle porte aussi, souvent, l’épée de sa décapitation.
Sainte Gertrude, qui avait une grande dévotion à sainte Catherine, demanda un jour au Seigneur de lui montrer sa gloire céleste. Elle fut exaucée elle vit la vierge d’Alexandrie sur un trône d’or, entourée des sages qu’elle avait attirés à la vraie foi et qui formaient dans le ciel sa couronne la plus brillante.
Les Français ont un motif spécial d’honorer sainte Catherine car c’est elle aussi qui apparut à sainte Jeanne d’Arc, avec saint Michel et sainte Marguerite, pour la conseiller et l’instruire. Jeanne d’Arc, racontera la gloire de Catherine aux fidèles des derniers jours. Est-il un enfant chrétien de France qui ignore que sainte Catherine fut l’une des saintes dont les « voix » guidaient la Vierge de Domrémy ? « Pourquoi, demandaient les juges du procès de Rouen à la Pucelle, pourquoi regardiez-vous, en allant à la guerre, l’anneau qui portait les noms de Jésus et de Marie ? – Par plaisance, et parce qu’ayant cet anneau à la main et au doigt, j’ai touché sainte Catherine qui m’apparaissait. Avec quel accent d’émotion celle-ci n’a-t-elle point parlé de ses chères Saintes. C’est leur conseil que je suivais, dit-elle. Or, ce sont ces « Conseils » qui ont sauvé la France moribonde. – Par ailleurs, on sait que ce fut au sanctuaire de « Madame Sainte Catherine », à Fierbois, que la libératrice de la France vint, en 1429, chercher l’épée marquée de cinq croix, et miraculeusement trouvée, sur ses indications, dans ce sanctuaire, comme ses Voix le lui avaient promis.
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– Quiconque m’aura confessé devant les hommes, le Fils de l’homme aussi le confessera devant les anges de Dieu. (Jésus-Christ en Luc.)
– Je vous donnerai moi-même une bouche et une sagesse, à laquelle tous vos ennemis ne pourront ni répondre, ni résister. (Ibid.)
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C’est sainte Catherine,
La fille d’un grand roi …
Où est le temps où nous chantions cela, avec les enfants, sur les routes du Gers ? Nous ne savions pas, en ce temps-là, que cet illustre roi inconnu s’appelait Costos, et que, de Chypre où il régnait, il avait été appelé à Alexandrie, comme conseiller auprès de l’empereur Maxence. A Alexandrie, il fallait absolument « philosopher » dans la haute société. A dix-huit ans, Catherine en avait donc déjà pris une bonne dose.
C’est à Alexandrie, après la mort de son père, que Catherine fait scandale. Comme qui dirait un jour de quatorze juillet, elle refuse d’encenser avec les encensoirs, et va trouver directement l’empereur, sans diplomatie aucune, pour lui dire, en plein temple, ce qu’elle pense de sa mascarade politico-religieuse. Alors tout s’enchaîne avec une rigueur trop belle pour être vraie. Conversion des cinquante philosophes, qui lui. sont opposés dans une « joute oratoire». Conversion de l’impératrice, d’un officier et de deux cents soldats. Catherine se rit de toutes les menaces, sort indemne du supplice de la roue, et pour venir à bout de celte « forte tête», on doit la couper. Sans compter un épisode, d’un goût douteux, où l’on voit l’empereur, à mille lieues de la philosophie, tenter de sauver Catherine pour l’épouser, ce qu’elle refuse, car le Christ en personne, paraît-il, lui a déjà passé depuis longtemps son anneau d’or au doigt.
Sainte Catherine, ou le mariage idéal, dont nous avons tous rêvé certains jours, entre philosophie et re1igion. C’est cela, le « mariage mystique » de sainte Catherine. Ce mariage a-t-il jamais existé ? Ou duré plus que durent les roses ? Je n’en sais rien. Mais si sainte Catherine n’existait pas, il faudrait l’inventer, justement comme une « fin », à proposer à Messieurs les Philosophes : au terme de leurs investigations, déposer gentiment leurs instruments de recherche, aux pieds de la religion, de Mademoiselle Catherine d’Alexandrie … Avoir construit cette Passion de toutes pièces, car son authenticité ne résiste pas à l’impitoyable critique historique, c’est bien une folie de ces premiers chrétiens … Ils croyaient cela possible, que cette jeune fille convertisse des rhéteurs. Comme si Jésus avait jamais converti le moindre Docteur de la Loi (sauf Nicodème, ou Joseph d’Arimathie : mais est-ce le Docteur de la Loi, en eux, qui a été converti ? N’est-ce pas plutôt le brave homme, qui n’avait pas été complètement étouffé par le Docteur de la Loi ?)
Je sais bien que philosophie unie à religion, cela doit donner en principe théologie. Mais on ne sait jamais, en théologie, ce qui est sacrifié, la philosophie ou la religion … Il semble que chacune n ‘y trouve pas tout son compte. Saint Thomas d’Aquin, c’est bien beau. L’Eglise montre ainsi qu’il y a autre chose que la foi du charbonnier. Mais resterait à savoir combien de charbonniers, et combien de théologiens se trouvent en enfer, et comparer. Comparer aussi l’épaisseur de certains « Essais», et la minceur de l’Evangile, dont une ligne m’apprend plus que des chapitres superposés. On a l’impression, en théologie, d’un corps composé jamais parfaitement homogène, d’une vinaigrette, où l’huile de la foi ne demande qu’à se séparer du reste, pour retourner à sa belle irréductibilité.
Sainte Catherine avait sans doute bien battu le tout, pour en faire une sauce liée, à laquelle n’ont pu résister les « cinquante ». Mais avec une certaine malice, les premiers chrétiens ont fait de sainte Catherine une fille très belle, ce qui serait peut-être son principal argument, et le plus convaincant …
Alors, qui a raison ? Guillaume l’Anglais, qui appela « sainte Catherine de la Couture » le Prieuré qu’il avait fondé en 1212, au Val des Ecoliers, pour les jeunes chanoines désireux de téter le lait de la bonne doctrine à l’Université de Paris ? Les avocats, qui l’ont prise aussi pour patronne ? Les jeunes filles prolongées, qui coiffent sainte Catherine avec philosophie ? Ou Jeanne d’Arc, qui a toujours cru entendre, et suivi fidèlement, les « voix » de Catherine et de Marguerite ?
Que ce soit justement Catherine, que le Seigneur a donnée à Jeanne d’Arc pour l’aider dans son combat contre de fameux théologiens, voilà qui éclaircit tout. La Passion authentique de Catherine, c’est celle de Jeanne d’Arc, que nous avons la chance de connaître dans tous ses détails. Jeanne d’Arc, voilà la Catherine des temps modernes, et de tous les temps.
Il suffirait donc, pour être à la fois femme, sainte, et philosophe à la manière de Catherine, non pas d’être fille de roi, mais de ne savoir qu’Ave et Pater Noster. Et sans doute Catherine avait-elle malgré tout la simplicité d’une bergère … Dans la balance où nous avions posé au début philosophie et religion, sans arriver à en faire un équilibre stable, c’est la foi qui l’emporte, la foi pure et simple, et nous nous en réjouissons. Cela valait bien d’appeler une montagne de 2.602 mètres : le Djebel Katherin. Et pourquoi n’irions-nous pas, comme au moyen-âge, en pèlerinage au monastère Sainte Catherine du Sinaï, pour y demander une foi vierge ? Gilbert Corot
Science et éloquence
Curieux qui vous repaissez d’une spéculation stérile et oisive, sachez que cette vive lumière qui vous charme dans la science ne lui est pas donnée seulement pour réjouir votre vue, mais pour conduire vos pas et régler vos volontés. Esprits vains qui faites trophée de votre doctrine avec tant de pompe pour attirer des louanges, sachez que ce talent glorieux ne vous a pas été confié pour vous faire valoir vous-mêmes, mais pour faire triompher la vérité.
Ames lâches et intéressées qui n’employez la science que pour gagner les biens de la terre, méditez sérieusement qu’un trésor si divin n’est pas fait pour cet indigne trafic ; et que s’il entre dans le commerce, c’est d’une manière plus haute et pour une fin plus sublime, c’est-à-dire pour négocier le salut des âmes.
C’est ainsi que la glorieuse sainte Catherine, que nous honorons, a usé de ce don du ciel. Elle a contemplé au dedans la lumière de la science, non pour contenter son esprit, mais pour diriger ses affections ; elle l’a répandue au dehors au milieu des philosophes et des grands du monde, non pour établir sa réputation, mais pour faire triompher l’évangile ; enfin elle l’a fait profiter et l’a mise dans le commerce, non pour acquérir des biens temporels, mais pour gagner des âmes à Jésus-Christ.
Bossuet : panégyrique de sainte Catherine, 1660.
J’ai étudié les langues, exploré toute la science des philosophes et des poètes.
Mais j’ai compris : ce ne pourrait être que vanités.
sainte Catherine
Éphéméride du 25 novembre :
En 1804, déjouant son entourage, Napoléon quitte Fontainebleau pour aller à la rencontre du pape Pie VII (1742-1823) qui arrivait de Rome. La rencontre se fit à la Croix de Saint-Hérem. Ils feront route commune jusqu’au château de Fontainebleau. Dernière marque de révérence au pape qui venait, contre l’avis de sa Curie romaine, pour le couronner empereur des Français. La cérémonie aura lieu à Notre-Dame le 2 décembre. Napoléon se couronnera lui-même. Cinq ans plus tard, il fait arrêter Pie VII et le garde prisonnier plus de cinq ans. Il avait déjà, le 19 février 1798, arrêté le pape Pie VI qui en était mort.