Saint Laurent de Brindisi, prêtre et docteur de l’Église : 22 juillet 1559 à Brindisi – 22 juillet 1619 à Lisbonne.
Capucin à Vérone, Laurent était un homme de grande culture, éminemment doué pour l’action, mais plus encore un vrai fils de saint François, simple et accueillant. Il se montra polémiste ardent contre l’hérésie luthérienne et travailla ardemment à la Réforme catholique à travers toute l’Europe centrale.
Animateur des troupes chrétiennes qui luttaient contre l’armée ottomane [il fut l’âme de la croisade contre les Turcs en Hongrie en 1601] et l’Union des États protestants, il fut aussi un diplomate de valeur, un actif fondateur de couvents, un zélé ministre général de son Ordre.
On donnerait volontiers de Laurent de Brindisi une image équestre, symbole de son grand rôle politique et militaire, mais ce serait le trahir, car, bien que les papes l’eussent engagé à user d’un cheval pour ménager ses forces, il ne voulut aller qu’à pied : meneur d’hommes mais pauvre piéton, chef magnifique mais fantassin poussiéreux. On ne le vit en selle qu’une fois, entraînant les charges contre les Turcs, un jour décisif de 1601. De sa vie riche et mouvementée, on aurait pu faire un opéra éclatant de trompettes et superbe de contrastes, de sa cellule austère aux palais princiers, de ses prédications tonitruantes aux mêlées tourbillonnantes, sur fond de décharges d’artillerie.
Fils de Guillaume de Rossi et d’Elisabeth de Masella, Laurent naquit à Brindes (Brindisi) dans les Pouilles, le 22 juillet 1559, trois semaines avant que ne mourût le vieux pape Paul IV, implacable champion de la réforme catholique ; la populace, joyeuse d’être débarrassée d’une telle poigne, jeta bas la statue du pontife dont la tête échoua au musée du château Saint-Ange. L’enfant aura le zèle du pape défunt, mais avec plus de charité et de souplesse. Laurent était de la noble famille des Rossi, dont le patronyme signifie rouge, couleur symbole de charité. On le baptisa Jules-César.
Sur le haut talon de la botte italienne, entre Lecce, Tarente et Bari, se situe Brindisi, sur l’Adriatique. C’est à cette extrémité de la péninsule, en son point le plus rapproché de la Grèce, que s’élève cette ville portuaire, trait d’union entre le monde oriental et le monde romain. C’est là qu’en 19 avant Jésus Christ, mourut le poète Virgile.
Paul IV étant pape, Ferdinand Ier empereur et François II roi de France,
Le ciel, dans sa bénévolence, écrit Guillaume Rossi à son frère, prêtre à Venise, vient de nous donner un fils, mais quel fils ! Sa physionomie est tellement admirable qu’il est impossible de ne pas le considérer comme un enfant de bénédiction. N’imagine pas, mon cher Pierre, que c’est la tendresse paternelle qui me plonge dans l’illusion. Pas du tout ! Tous ceux qui voient un si beau bébé se demandent s’il n’est pas d’avantage un ange qu’un homme.
On dit que César prêcha à l’âge de six ans dans la cathédrale de Brindisi et que l’auditoire fut transporté d’admiration ; ce fut une de ces petites récitations enfantines devant la crèche comme il s’en dit pour Noël à l’Ara Cæli de Rome. Jusqu’à quatorze ans, il étudia chez les Franciscains de Brindisi. A dix ans, il perdit son père et supplia en vain que sa mère le laissât entrer chez les Capucins : Laisse-moi entrer chez les capucins, Dieu m’y appelle.
Cinq ans plus tard, il perdit sa mère et, tandis que les Turcs menaçaient Brindisi, il s’en fut se réfugier à Venise, près de son oncle Pierre qui veilla tendrement à sur lui et lui permit, l’année suivante, d’entrer chez les Capucins de Vérone (17 février 1575) où, après une brève maladie, au jour de sa profession, il prit le nom de frère Laurent le 24 mars 1576, [le prénom Laurent vient du latin “laurier” (laurus)].
Les capucins sont une partie des moines fondés par saint François d’Assise en 1209 : l’ordre des Frères mineurs.
Entraîné à de fortes pénitences il fut un novice modeste, grave et aimable.
Ses supérieurs, ayant constaté sa prodigieuse mémoire et son goût pour l’étude, l’envoyèrent étudier à l’université de Padoue. Il apprenait des langues à ses moments de loisir et acquit la parfaite maîtrise de l’italien, du latin, du grec, du français, de l’allemand, du syriaque et de l’hébreu. On le fit prêcher avant même le sacerdoce. Il tenait que la Bible était la grande source du prédicateur, et il la pratiquait si bien qu’il pouvait en discuter le texte hébreu avec des hérétiques ou des Juifs ; la morale et le dogme de l’Écriture passaient en traits de feu dans ses prédications pour enflammer les âmes. C’est ainsi qu’il prêcha deux carêmes à Venise, capitale du carnaval qui avait bien des poissons d’eau trouble pour le pêcheur apostolique. Le bien qu’il y fit ne saurait se dire. Une courtisane, venue au sermon dans sa superbe et sa morbidesse pour y faire des conquêtes, fut conquise au Christ.
Une fois prêtre (18 décembre 1582), il fut d’abord lecteur en théologie et en Ecriture sainte à Venise (1583-1586), puis supérieur et maître des novices à Bassano del Grappa (1586-1588) ; il fut plusieurs fois ministre provincial ; il fut élu définiteur général et, enfin, ministre général.
Clément VIII le fit prêcher aux Juifs de Rome pendant trois ans : il obtint de bons résultats grâce à sa connaissance de l’hébreu. Puis ce furent des missions, comme commissaire général, en Autriche et en Bohême où il fonda les couvents de Prague, de Vienne et de Gratz. Les Capucins travaillèrent à convertir les âmes dans l’Europe centrale ravagée par le protestantisme. Laurent se dévoua à cette tâche, en liaison avec les Jésuites.
Laurent soldat
Mais il fallait un animateur spirituel à la lutte contre les Turcs qui harcelaient les forces de l’Empire. Clément VIII envoya Laurent à l’empereur Rodolphe II : Ce capucin, animateur spirituel, écrit le Pape à l’Empereur, vaut une armée entière. En effet, aumônier des troupes impériales, Laurent fut le bras droit du prince Philippe-Emmanuel de Lorraine, duc de Mercœur, qui remporta une victoire éclatante sur l’Islam près d’Albe royale (Szekes-Fejervar) en Hongrie (octobre 1601), bien que les chrétiens s’y battissent à un contre cinq. Au plus fort de la bataille, Laurent, un moment cerné par l’ennemi, est dégagé par ses compagnons de lutte : Votre place n’est pas ici, lui crient-ils ; Vous vous trompez, leur répond-il, c’est bien ici que, de par Dieu, je dois être. En avant ! La victoire est à nous !
C’est surtout grâce à ses efforts que les princes chrétiens associèrent leurs forces contre les hordes envahissantes des Turcs : Laurent marchant en tête avec la croix et exhortant les soldats et les chefs. Cependant, parmi tant d’affaires si importantes, il pratiqua de manière héroïque les vertus d’un religieux.
Écoutez saint François de Sales dans son oraison funèbre du duc de Mercœur, prêchée à Notre-Dame de Paris, le 27 avril 1602 : Il avait toujours en son armée des Pères capucins lesquels, portant une grande croix, non seulement animaient les soldats, mais aussi, après la confession générale que tous catholiques faisaient en signe de contrition, leur donnaient la sainte bénédiction. Mais surtout c’était une belle chose de voir ce général exhorter ses capitaines à la constance, leur remontrer que s’ils mouraient ce serait avec le mérite du martyre, et parler à chacun en sa propre langue, français allemand, italien.
Laurent diplomate
S’il excellait dans les missions militaires, il s’employa aussi, avec des succès divers, à des négociations diplomatiques, parfois très délicates. En 1606, le Pape Paul V, à la demande de l’Empereur, lui ordonna : Passez en Allemagne, pour y travailler aux affaires politico-religieuses de l’Empire ; ainsi, Laurent, conseiller ordinaire du duc de Bavière, Maxililien Ie, joua un rôle capital dans la création et l’animation de la Ligue catholique contre l’Union évangélique protestante et obtint pour elle la participation financière de la cour de Madrid. En 1612, il règla les questions litigieuses entre les Habsbourg et les princes électeurs catholiques. Paul V l’utilisa de même en Allemagne, en Bavière et en Italie. Le roi catholique était en guerre avec le duc de Savoie, l’Espagne griffait l’Italie, lutte fratricide ! Laurent vint trouver le duc de Savoie et l’achemina vers la paix désirable. Dès 1587, ses qualités lui avaient valu un poste envié dans l’administration de son ordre qu’il dirigea de 1602 à 1605.
Cependant, au milieu des ovations, comme parmi les outrages et les menaces de mort qui n’étaient point rares en pays hérétiques, il demeurait simple et affable. Il repoussait les honneurs, et la fine cuisine, couchait sur la dure et se levait la nuit pour psalmodier. Son oraison allait jusqu’à l’extase. Il eut la joie de fonder plusieurs couvents capucins en Allemagne, en Autriche, en Moravie et au Tyrol. En 1618, les Napolitains, soumis aux exactions du vice-roi, le dux d’Ossuna, chargèrent Laurent de leur défense près du roi d’Espagne et le dépêchèrent auprès de Philippe III qui tenait sa cour à Lisbonne.
Epilogue
Comme à son époque, le monde a besoin de paix, d’hommes et de femmes de paix, de pacificateurs. Qui croit en Dieu doit toujours offrir et chercher la paix. Benoît XVI
Il sema les miracles partout sous ses pas ; mais le plus grand de ses prodiges fut le succès immense de ses prédications dans les principales villes d’Italie, puis en Allemagne, en Autriche, en Bohème, en Syrie, en Espagne. Nonce apostolique en Autriche, puis en Espagne, il voyait toutes les affaires les plus épineuses réussir entre ses mains. Ces grandes œuvres, ces voyages incessants ne nuisaient en rien à son œuvre principale, sa sanctification.
Un jour qu’il offrait le saint Sacrifice, après la Consécration, Jésus-Christ lui apparut dans l’Hostie, sous la forme d’un petit enfant, qui le caressait et lui souriait avec une grâce toute divine. Chacun des pas du Saint était l’occasion d’une merveille, et sa présence suscitait partout un incroyable enthousiasme.
Enfin, à Lisbonne, où le peuple napolitain l’avait envoyé comme représentant auprès du roi d’Espagne, ce vaillant défenseur de la liberté chrétienne et de la justice succomba comme sur un champ de bataille. Après tant de travaux arriva pour saint Laurent l’heure de la délivrance à 60 ans ; il remercia ses frères de leurs bontés, leur demanda pardon de ses torts, reçut les Sacrements avec une joie profonde et mourut en invoquant Marie et en serrant la croix fortement sur son cœur.
C’était le 22 juillet 1619, Paul V étant pape, Mathias empereur et Louis XIII roi de France.
Son corps fut enseveli au monastère des Clarisses de Villafranca del Bierzo.
Laurent de Brindisi fut béatifié le 1e juin 1783 par le pape Pie VI.
Léon XIII le canonisa le 8 décembre 1881.
Le 19 mars 1959, à l’occasion du quatrième centenaire de sa naissance, dans le bref apostolique Celsitudo ex humiliate, Jean XXIII proclama saint Laurent de Brindisi Docteur de l’Eglise universelle.
Il a notamment laissé une « Dissertation dogmatique sur Luther » et 840 homélies ou sermons
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Par le signe de croix
Grâce à ce geste sacré et par l’intermédiaire de la Vierge Marie,
que le Seigneur vous bénisse et vous ait en sa sainte garde !
Qu’il vous montre son visage et vous prenne en pitié pour vous conférer la paix !
Puisse le Tout-Puissant vous rendre la santé après laquelle vous soupirez, par Notre-Seigneur Jésus-Christ !
Par ce signe de croix, que le Rédempteur vous guérisse,
lui qui calme toutes langueurs et infirmités
en même temps qu’il délivre tous les possédés du démon.
Que Jésus-Christ et la Vierge Marie vous bénissent, par le signe de la sainte croix !
Saint Laurent
La philosophie n’est qu’une simple émanation de la théologie.
En effet, le Seigneur apparaît aussi bien dans les Écritures que dans la Nature.
D’abord, guérissons-nous du péché, cette plaie purulente.
Courage, confiance et espérance, pour cette œuvre des œuvres
Pour une transformation intérieure qui nous conduit à la sainteté :
La Parole du Seigneur est lumière pour l’intelligence et feu pour la volonté,
pour que l’homme puisse connaître et aimer Dieu.
Pour l’homme intérieur, qui au moyen de la grâce vit de l’Esprit de Dieu,
il est pain et eau, mais un pain plus doux que le miel et une eau meilleure que le vin et le lait…
C’est un maillet contre un cœur durement obstiné dans les vices.
C’est une épée contre la chair, le monde et le démon, pour détruire tout péché.
Les trois fleuves de la Divinité : le fleuve de la puissance, celui de la sainteté, celui de la bénignité divine se déversent en Marie, cette mer immense. De la sorte, la Vierge est devenue sainte et clémente entre toutes les créatures : d’une puissance, d’une sainteté et d’une clémence qui ne sont dépassées que par celles de Dieu. Aussi peut-elle opérer des miracles et nous combler de multiples bienfaits.
Sermon de saint Laurent
Pour mener la vie spirituelle, qui nous est commune avec les anges et les esprits célestes, créés comme nous à l’image et ressemblance de Dieu, il faut nécessairement le pain de la grâce du Saint-Esprit et de l’amour de Dieu. La grâce et l’amour ne sont rien sans la foi, car sans la foi il est impossible de plaire à Dieu. Et la foi ne peut naître sans la prédication de la parole de Dieu: La foi naît de ce qu’on entend; et ce qu’on entend, c’est l’annonce de la parole du Christ. La prédication de la parole de Dieu est donc nécessaire à la vie spirituelle, de même que les semailles à la vie corporelle.
Aussi le Christ a-t-il dit : Le semeur est sorti pour semer. Celui qui est sorti pour semer, c’est le héraut de la justice, et ce héraut, nous savons par l’Ecriture que ce fut Dieu lorsqu’il donna de vive voix, du haut du ciel, la loi de justice à tout le peuple dans le désert. Parfois ce fut l’Ange du Seigneur qui reprocha au peuple sa transgression de la loi divine, au lieu des Pleurs ; si bien que tous les fils d’Israël, en entendant le discours de l’Ange, eurent le cœur transpercé et pleurèrent avec de grands cris. Moïse aussi prêcha la loi du Seigneur à tout le peuple, dans les champs de Moab, comme le rapporte le Deutéronome. Enfin le Christ, Dieu et homme, est venu prêcher la parole du Seigneur et envoya les Apôtres faire de même, comme auparavant il avait envoyé les prophètes.
La prédication est donc une fonction apostolique, angélique, chrétienne, divine. Car la parole de Dieu est pourvue d’une valeur infinie, puisqu’elle est comme le trésor de tous les biens. C’est d’elle que viennent la foi, l’espérance, la charité, toutes les vertus, tous les dons de l’Esprit Saint, toutes les béatitudes évangéliques, toutes les bonnes œuvres, tous les mérites de la vie, toute la gloire du paradis : Accueillez la parole semée en vous, car elle peut sauver vos âmes.
La parole de Dieu est une lumière pour l’intelligence, un feu pour la volonté, afin que l’homme puisse connaître Dieu et l’aimer. Et pour l’homme intérieur, qui vit du Saint-Esprit par la grâce, elle est du pain et de l’eau. Mais du pain plus doux que le miel et le rayon, de l’eau meilleure que le vin et le lait. Elle est, pour l’âme spirituelle, un trésor de mérites, c’est pourquoi elle est appelée or et pierre très précieuse. Contre le cœur obstiné dans ses vices, elle est comme un marteau ; contre la chair, le monde et le démon, elle est une épée qui met à mort tout péché.
Pour la gloire de ton nom, Seigneur, et le salut des hommes, tu as donné à saint Laurent de Brindisi un esprit de sagesse et de force ; accorde-nous ce même esprit pour voir ce que nous devons faire, et accomplir ce que nous aurons vu.