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Commémoration de la mort du Seigneur
Vendredi Saint
Office de la Passion
Frères et sœurs,
Je vous propose d’entrer dans ce mystère de la mort de Jésus que nous méditons depuis dimanche dernier en partant de trois actes liturgiques particuliers, propres à la liturgie de ce jour.
Le premier acte liturgique que je reprends est celui de la prostration. Le prêtre s’allonge par terre au début de la célébration. Cette attitude liturgique, nous la retrouvons aussi lors des professions monastiques, lors des ordinations diaconales, presbytérales ou épiscopales. La prostration signifie la mort. Jésus est mort, et, mort, il est couché dans un tombeau. Lors des professions monastiques ou des ordinations, cette attitude de mort signifie un appel à l’abandon total à la volonté de Dieu, caractérisé par la mort à soi pour renaître en homme nouveau. Dans cette attitude que reprend la liturgie de ce jour, nous retrouvons non seulement la mort de Jésus, mais aussi le combat intérieur de Jésus à Gethsémani : « Père, s’il est possible que cette coupe passe loin de moi. Cependant, non pas ma volonté, mais ta volonté. » Jésus connaît l’appréhension de tout homme face à la mort, mais il y a en plus, une répulsion totale pour la mort, conséquence du péché, qui est tout l’opposé de Dieu qui est Vie. Il se joue ici un combat décisif dans ce jardin de Gethsémani. Le jardin justement…
C’est dans un jardin, le jardin d’Eden, que l’homme dans les premiers temps de sa création avait désobéi à la volonté divine. C’est dans un jardin que Jésus répare cette désobéissance originelle en obéissant jusqu’au bout à Dieu. C’est dans un jardin que Jésus ressuscitera en homme nouveau. Tout notre péché, notre désobéissance, tout cela est porté par Jésus lors de son agonie et de sa mort. Unissons-nous à sa mort pour renaître en hommes nouveaux.
Au cours de cet office, l’Eglise nous invite aussi à venir vénérer la croix. C’est un acte que nous accomplissons rarement. C’est un Mystère étonnant que cet instrument de torture et d’humiliation soit devenu ce que nous vénérons le plus.
Ce paradoxe montre à quel point le Fils de Dieu s’est abaissé pour notre salut. Il a choisi de mourir comme le plus rejeté des esclaves, mais l’Amour qu’il y a mis pour les pécheurs que nous sommes nous sauve définitivement de la mort et du péché.
Du Symbole de la honte, le Christ a fait le Symbole de la victoire du Bien sur le Mal, de la Vie sur la Mort. D’instrument de torture, la Croix est devenu la cause de notre joie, et le motif de notre fierté. L’Amour dont nous avons été aimés sur la Croix est plus fort que tous nos péchés. Voilà la raison de notre foi et de notre espérance.
Regardons la place que le Signe de la Croix a prise dans nos vies chrétiennes : Au moment d’entrer dans la vie chrétienne, au baptême, le signe de la Croix est le premier signe qui marque notre front. Et lorsque nous quittons cette vie, le dernier signe posé avant que le cercueil ne sorte de l’église est le signe de la Croix. Le Signe de la Croix est normalement parmi les premiers gestes que nous apprenons, et c’est peut-être le dernier geste que nous accomplirons avant de quitter cette vie. La Croix orne nos maisons, elle parsème nos campagnes, elle détermine la forme des églises…
Loin d’être un signe superstitieux ou un porte-bonheur, la Croix est un rappel du Salut que le Christ nous a acquis en allant jusqu’au bout du don de lui-même, bien au-delà de la plus profonde douleur physique et morale que nous pouvons imaginer.
Vénérer la Croix pour nous ce soir est à la fois un acte de foi, d’humilité, et d’amour.
De foi car nous croyons que par la Croix le Christ nous réconcilie avec Dieu.
D’humilité, car nous reconnaissons l’abaissement inouï qu’a consenti Celui qui a tout créé par sa Puissance infinie. En vénérant la Croix, en l’embrassant, nous oublions un instant notre amour propre, nous nous faisons touts petits devant un si grand Mystère.
D’amour, car en posant un geste de vénération, nous sommes animés du désir de rendre amour pour amour. D’aimer autant que nous avons été aimés.
Frères et sœurs, vénérons cette croix, objet de notre salut, en ayant tout cela dans notre cœur.
Le dernier acte liturgique propre au Vendredi Saint que je reprendrai est cette grande et traditionnelle Prière Universelle. On dit que cette prière universelle est la source de toutes celles que nous avons dans l’année liturgique. Oui, car cette prière de supplication naît dans le cœur même du sacrifice de Jésus, au moment le plus ultime, le plus haut de cet acte d’offrande et d’amour. Par conséquent, notre foi est grande qu’en ce jour, notre prière pour l’Eglise et pour le monde est particulièrement puissante et efficace.
Frères et sœurs, en vénérant cette croix glorieuse, pensons aussi à tous nos frères et sœurs chrétiens martyrisés qui vivent dans leur chair la Passion de Jésus. Que la foi et l’espérance en la Résurrection du Christ les aide à vivre saintement leur Passion. Amen !