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Solennité des Rameaux 2018
Frères et sœurs,
Que de contrastes dans cette fête des Rameaux ! Une foule innombrable acclame Jésus en le reconnaissant comme le Messie : « Beni soit Celui qui vient au nom du Seigneur ! » et quelques jours après Jésus fera l’expérience de l’abandon et de la solitude…Nous voyons les forces du Mal se déchaîner (mensonge, faux témoignages, jalousie), et Jésus reste silencieux…Le Fils de Dieu se donne par deux fois, sous les espèces du pain et du vin, puis humainement sur la Croix, et les hommes le tuent.
A l’écoute de ce récit de la Passion, nous pouvons certainement nous retrouver dans tel ou tel personnage, tant ils sont nombreux et occupent des places variées. Sans entrer dans le détail, nous pouvons être tour à tour cette foule qui acclame Jésus et qui quelques jours après réclamera la libération de Barrabas ; nous pouvons être les disciples de Jésus qui s’endorment, qui l’abandonnent ou le trahissent ; comme nous pouvons encore être de ceux qui le conduisent à la mort.
Reconnaissons-nous dans la foule. Ne sommes-nous pas nous aussi versatiles comme la foule d’il y a 2000 ans ? Cette foule qui acclame Jésus, mais qui se laisse manipuler par les grands de l’époque, par les faiseurs d’opinion. Il y a un paradoxe important aujourd’hui dans nos sociétés occidentales, dans notre manière de vivre notre foi. Les chrétiens rejettent assez massivement une Eglise dogmatique, moralisatrice, qui exerce une influence, une pression sur notre conscience. Chacun veut être libre dans sa foi et libre de vivre sa foi comme il l’entend…Mais, ne trouvez-vous pas curieux que ce que les chrétiens rejettent dans la foi, ils l’adoptent dans la vie civile ? Aujourd’hui, les médias sont la nouvelle religion qui dit comment penser, comment agir, qui croire et que croire. Les médias sont détenteurs de la vérité ! ils font l’actualité. C’est-à-dire, qu’ils ne redonnent pas l’actualité; ils la font. D’ailleurs, ils font et défont les personnalités politiques. Les journalistes sont les grands prêtres moralisateurs de la bonne pensée, gardiens des dogmes de la pensée unique. On rejette l’Inquisition, qui, malgré les horreurs qu’on nous objecte régulièrement, a permis de sauver un grand nombre de vies : l’Inquisition a en effet été voulue par l’Eglise pour donner aux accusés le droit à avoir un procès, une enquête, un avocat et une défense, quand on souscrit à une Inquisition médiatique qui, elle, ne donne aucun espace à la défense ni à la réponse ! On a rejeté une Eglise qui donne une ligne de conduite pour nous asservir à une société qui forme et conditionne notre pensée. Mais, l’Eglise parle au nom de la Vérité Révélée et notre société pas forcément ! Attention à ne pas nous faire manipuler sur ce qui est bien, ce qui est mal. Notre force réside dans notre adhésion personnelle, de foi, en la personne de Jésus et non pas dans les modes de pensées, quand bien même seraient-ils partagés par une majorité. Comme dans le récit de la Passion, malgré nos lampes et nos torches qui nous éclairent, notre péché peut nous aveugler et nous empêcher de voir la Véritable Lumière.
Mais se pose alors à nous une deuxième question : jusqu’où sommes-nous capables d’aller pour suivre Jésus ? Parce que tout en étant la foule, nous sommes aussi disciples.
Jésus marche vers la Croix. Peu de disciples iront jusqu’à la croix. Les femmes proches de Jésus l’accompagneront jusqu’au bout ; les Apôtres, à l’exception de St Jean, disparaitront. La véritable question de notre adhésion personnelle à Jésus est en fait celle de notre consentement à la Croix. Ce que Jésus nous redit aujourd’hui, c’est que l’accès au Royaume de Dieu passe par la Croix ; la royauté de Jésus passe par la Croix. Les disciples sont appelés à demeurer au pied de la Croix. Demeurer au pied de la Croix, c’est nous ouvrir à la miséricorde de Dieu qui jaillit du cœur transpercé du Seigneur ; c’est faire l’expérience que l’amour nous pousse à nous donner aux autres. Frères et sœurs, vous avez été relativement nombreux à venir vous confesser lors des journées du pardon. C’est bien. Que ceux qui ne l’ont pas encore fait saisissent l’occasion des dernières confessions avant Pâques dans cette semaine pour vivre cette réconciliation libératrice avec Dieu et avec les autres. Vivre une confession profonde, vraie, libérante, c’est faire l’expérience de la miséricorde divine dans notre misère.
Et puis, nous pouvons être aussi parmi les bourreaux, parmi ceux qui méprisent Dieu, qui l’insultent ou qui alourdissent sa croix. Reconnaître en Jésus qui souffre le Fils de Dieu, c’est aussi reconnaître Dieu dans ceux qui souffrent. Entrer dans la Passion de Jésus, c’est aussi nous engager à soulager ceux qui souffrent aujourd’hui, nous engager à être des Simon de Cyrène, à aider les autres à porter leur croix. Une véritable humanité ou compassion, pour un chrétien, ne peut pas se vivre en dehors ou en marge de la Vérité. Recentrons-nous sur l’enseignement de l’Eglise qui nous redit l’infinie valeur de toute vie : de celle du fœtus, de celle de l’enfant qui n’a pas forcément été désiré mais qui est là, ou encore sur la vie de l’enfant qui s’annonce différent, handicapé, ou encore de l’enfant qui a le droit d’avoir un papa et une maman, ou de celle de la personne âgée qui arrive au terme de sa vie. Notre monde en apparence si tolérant ou ouvert attend des chrétiens des réponses solides, fermes, vraies, charitables et humaines.
La Passion de Jésus nous entraine encore aujourd’hui que nous soyons parmi la foule, que nous soyons un disciple ou un bourreau. En entrant aujourd’hui dans la Passion de Jésus, nous ne découvrirons pas seulement que nous avons une place dans la Passion, nous ne découvrirons pas seulement que Jésus l’a vécue à cause de nous, mais nous découvrirons que Jésus l’a vécue aussi pour nous aider, pour donner un sens à ce qui nous échappe, pour nous apporter le salut, pour nous sauver. Entrons tous ensemble dans cette belle semaine sainte en étant attentifs à la vivre en communion avec Jésus qui marche vers le don de sa vie même si ce don est voilé sous les apparences de la mort. Amen !