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Solennité de St Joseph
Frères et sœurs,
Il y a une curieuse similitude entre la place discrète qu’occupe Joseph dans l’histoire de Jésus, l’histoire du salut et notre calendrier liturgique. A la différence de la Vierge Marie, Joseph n’est honoré que deux fois dans le calendrier liturgique : le 19 mars et le 1er Mai. Pour autant, Joseph accomplit un rôle fondamental dans l’histoire du salut, rôle important que l’Eglise lui reconnait en faisant de sa fête une sollennité.
Ce soir, je voudrais méditer avec vous sur la paternité de St Joseph. Nos sociétés occidentales manifestent depuis plusieurs décennies une crise de la paternité, avec un changement même profond de modèle de société. Ces changements de société s’accompagnent aussi de souffrance dans la vie des gens, plus répandues qu’on ne le croit. Beaucoup ont souffert d’avoir eu un père qui n’a pas été un bon père C’est là que St Joseph, saint patron des pères de famille, vient nous éclairer et nous aider.
Une des premières choses que nous redit St Joseph, c’est que seul Dieu est Père. C’est d’ailleurs le sens de cette parole de Jésus : « Ne donnez à personne le nom de Père sur terre, car vous n’avez qu’un Père et Il est au ciel. » Seul Dieu est Père, et seul Dieu est un Père parfait. Joseph n’est pas le père biologique de Jésus. Son Père biologique est Dieu. Mais, le fait qu’il ne soit pas le père biologique de Jésus ne l’empêche pas d’exercer une paternité humaine et spirituelle sur le Fils de Dieu. C’est grâce à Joseph que Jésus entre dans la lignée royale, celle de la tribu de Juda. C’est grâce à Joseph que Jésus va pouvoir grandir, être protégé, être nourri, apprendre un métier. Joseph n’a pas la prétention d’assumer tous les aspects de la paternité : biologique, humaine, spirituelle. Il en assume certains aspects, mais laisse la première place à Dieu qui, seul, est complètement Père. Il laisse la place à Dieu, s’efface devant Lui. Il accepte de ne pas faire un enfant à Marie, et encore mieux, il accepte d’assumer une paternité humaine alors qu’il n’est pas le géniteur.
Saint Matthieu nous dit que Joseph était un homme juste. Il est totalement disponible à Dieu qui lui parle de manière limpide dans son sommeil. Il est juste parce qu’il ne se met pas à la place de Dieu, qu’il ne cherche pas à accomplir son propre projet, ses propres désirs, mais il se met au service de Dieu. Il ne prend pas possession de sa vie, mais il la donne. Il n’accomplit pas sa volonté, mais s’en défait pour l’intégrer dans celle de Dieu. Il nous montre que c’est en acceptant de se perdre soi-même, de se donner, que nous nous trouvons.
St Joseph est juste encore parce qu’il n’exerce pas sa paternité en opposition à celle de Dieu, mais au contraire il l’intègre dans celle de Dieu. C’est ainsi qu’il devient collaborateur de la paternité divine. Il va veiller sur le Fils de Dieu, le protéger : fuir en Egypte pour protéger Jésus, revenir à Nazareth. Il veille sur la croissance de Jésus, il veille sur la croissance de Dieu. C’est curieux de regarder les choses comme cela. Il nous révèle que la véritable paternité consiste à veiller sur la présence de Dieu en l’autre, consiste à faire grandir Dieu en l’autre. Un vrai père ne contrarie pas l’œuvre de Dieu, mais l’éveille, la soutient et la protège. Frères et sœurs, sans être forcément de mauvais pères, combien de pères ne sont pas ouverts à cette dimension de la paternité ! Mais qu’ils reprennent conscience que leur propre paternité provient de Dieu et n’est qu’une participation à la paternité divine de qui provient toute origine. St Joseph, père de Jésus, instrument de la paternité divine, fait grandir Dieu en l’autre.
Je relèverai un dernier aspect de la paternité de St Joseph qui découle de ce que je viens de dire : il exerce une paternité spirituelle de l’ordre de la foi. Comme Abraham, il est en route vers l’inconnu, vers la promesse de Dieu : « Elle mettra au monde un Fils auquel tu donneras le nom de Jésus (c’est-à-dire le Seigneur sauve) car c’est Lui qui sauvera son peuple de ses péchés. » Il accepte et vit sa mission dans la foi. Il côtoie et vit le mystère de Dieu dans la foi. La liturgie de ce jour nous proposait un autre Evangile pour la St Joseph. Cet Evangile en question nous rapporte l’épisode où Jésus reste trois jours à Jérusalem avec les docteurs de la Loi au Temple et ses parents le recherchent. Il y a plusieurs manières de comprendre ces 3 jours où Jésus a disparu. En tout cas, nous pouvons lire ces 3 jours comme une préparation aux 3 jours qui sépareront sa mort de sa Résurrection. Jésus disparaît pour être retrouvé 3 jours après « aux affaires de son Père ». St Joseph côtoie le mystère de la Résurrection avant l’heure…Il vit tout cela dans la foi ; il nous apprend à vivre notre pèlerinage terrestre dans la foi.
Frères et sœurs, ce soir, confions à St Joseph tous ceux qui exercent une paternité, qu’elle soit biologique, humaine ou spirituelle. Qu’ils découvrent toujours plus profondément que leur paternité vient de Dieu. Confions à St Joseph tous ceux qui souffrent de ne pas avoir eu de père ou d’avoir eu un mauvais père. Et confions à St Joseph toutes les Lois qui vont arriver : puissent-elles laisser la place à une vraie paternité pour les générations qui vont arriver, puissent-elles permettre à Dieu d’exercer sa paternité sur ses enfants et son peuple. Amen !