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Gouel meur Maria Hanter-Eost 2015
Frères et sœurs,
Il y a une résonnance particulière dans cette belle fête de l’Assomption de la Vierge Marie avec une autre solennité mariale importante : celle de l’Immaculée Conception. Ces deux solennités mariales se répondent à moins d’un siècle de différence. Ces deux fêtes mariales sont l’objet toutes deux de déclaration dogmatiques : l’Immaculée Conception le 8 décembre 1854 ; l’Assomption le 1er Novembre 1950. Le dogme de l’Immaculée Conception concerne le début de l’existence humaine de la Vierge ; l’Assomption la fin. Outre ces résonnances, le dogme de l’Assomption répond en quelque sorte à celui de l’Immaculée Conception ; il en est une conséquence. Et pour bien voir comment, il nous faut revenir au dogme de l’Immaculée Conception qui nous dit que Marie a été préservée du péché originel dès sa conception. Préservée du péché originel, cela veut dire que sa liberté n’a jamais été abîmée ni souillée, cela veut dire qu’elle est restée pure ouverture à Dieu. Le péché originel, dont la Sainte Vierge est préservée, nous concerne tous dans trois dimensions. Le récit de la Genèse nous apprend tout d’abord que la relation à Dieu est perturbée : souvenez-vous, Adam se cache de Dieu derrière son petit buisson. Il a peur de Dieu. Puis, ce sont les relations des créatures entre elles qui se trouvent perturbées. Adam va accuser Eve. Eve le serpent. L’harmonie mise dans la création se déconstruit. Puis, il y a ces sentences que nous ne connaissons que trop bien parce que nous les vivons : la mort, la souffrance, le travail, la maladie etc…
Préservée du péché originel, la Vierge Marie est donc préservée de dégradations dans ces trois dimensions : par rapport à Dieu ; par rapport aux autres et par rapport à elle-même. Les textes que nous avons entendus illustrent d’ailleurs cette conséquence de la grâce de l’Immaculée Conception dans la personne de la Vierge. Regardez le cantique d’action de grâce de la Vierge dans le Magnificat. Tout en demeurant distincte de Dieu, la Vierge Marie est absorbée en Dieu, intimement : « Mon âme exalte le Seigneur, exulte mon esprit en Dieu mon sauveur. » Et tout le reste de ce que dit Marie n’est qu’une action de grâce, qu’une louange de l’oeuvre de Dieu en elle. Elle ne parle pas du tout d’elle, si ce n’est au début : « Mon âme » et plus loin : « son humble servante. » Mais tout ce qu’elle dit d’elle est compris, absorbé en Dieu. Elle est intimement unie à Dieu au point que sa propre chair ne fera qu’un avec Dieu à travers la Conception par l’Esprit-Saint de Jésus. Donc, sa relation avec Dieu n’est en rien perturbée.
Par rapport aux autres, Marie est aussi préservée de toute souillure. L’Evangile du jour nous la montre allant visiter sa cousine Elisabeth. Marie est modèle de charité. Elle se met au service des siens par amour et apporte ce qu’elle a de plus précieux : le Sauveur ! Elle n’a pas d’attitude égoïste, voulant garder pour elle seule le trésor que Dieu lui a fait. Dès le début, elle l’offre, étant là aussi modèle de l’Eglise qui offre le Sauveur au monde.
Enfin, par rapport à elle-même, il est logique, étant préservée du péché originel, que Marie échappe en quelque sorte aux conséquences du péché originel dont la plus grande manifestation réside dans la mort. Et c’est précisément ce que nous fêtons aujourd’hui : Marie entre au Ciel corps et âme. C’est-à-dire qu’elle échappe à ce que la mort produit en chacun de nous : la dissociation entre l’âme et le corps. En ce sens, le dogme de l’Assomption est une conséquence logique de celui de l’Immaculée Conception. Préservée du péché originel, Marie l’est aussi de la mort. Deux thèses existent aujourd’hui quant à la fin de l’existence humaine de Marie, deux thèses que l’Eglise ne tranche pas encore. Il y a la thèse de l’Assomption directe. Marie monte au Ciel, corps et âme. Et il y a la thèse de la dormition d’origine orientale. Marie s’est endormie et monte au Ciel corps et âme. La déclaration dogmatique ne précise pas les modalités de la fin de la vie humaine de la Vierge ; elle nous dit simplement que Marie est montée corps et âme au Ciel sans avoir été dégradée par la mort.
Dans cette réponse du dogme de l’Assomption à celui de l’Immaculée Conception, une image paraît : Marie, préservée du péché et de ses conséquences, entre dans la gloire de Dieu.
La première lecture tirée de l’Apocalypse de St Jean nous montre une autre figure de la Vierge. Il ne s’agit plus de Marie qui triomphe du péché ; il s’agit de Marie qui est attaquée par le démon et qui combat. Elle combat, et elle protège son enfant. Il est singulier que l’histoire du salut s’ouvre sur une inimitié, une opposition entre le diable et la femme. « Tu la mordras au talon, disait Dieu au serpent ; et elle t’écrasera la tête. » L’histoire du salut dans la Bible se termine par l’ultime combat entre à nouveau la femme et le serpent, qui là, est devenu un dragon. Cette image de Marie qui est attaquée, mais qui combat le diable et qui protège l’Enfant, nous renseigne sur « l’activité », la « mission » de Marie au Ciel. Elle combat pour nous. Elle protège son Enfant ; ce n’est ici pas seulement Jésus, mais c‘est nous aussi qu’elle protège. Et nous pouvons même aller un peu plus loin. La première vision de la femme aux prises avec le dragon est une femme en train d’enfanter. C’est-à-dire que le démon attaque la maternité de la Vierge. Il veut dévorer l’Enfant ; tout comme il veut dévorer ce que Dieu fait naître en nous, fait éclore. Le dragon attaque l’œuvre de Dieu. Marie la protège. Et l’oeuvre de Dieu est fragile : un nouveau-né ! Qu’est-ce face à un dragon ? En nous aussi Dieu ne cesse d’engendrer son œuvre ; mais cette œuvre, cet homme nouveau que Dieu créée est sans cesse attaqué par le démon. Demandons-nous dans quelle mesure nous sommes ouverts dans tous nos combats à l’intercession de la Sainte Vierge. Est-ce que nous l’appelons pour qu’elle vienne combattre avec nous ce que le diable cherche à abîmer ? Est-ce que nous lui confions ce qui est fragile en nous ? Une fois montée dans la gloire de Dieu, la Vierge Marie ne reste pas à se tourner les pouces au Ciel. Sa maternité continue et ne cesse de s’exercer, mais dans une attitude de protection par rapport à nous et dans une attitude de combat contre le démon. Le pire ennemi du démon, c’est la Sainte Vierge. C’est la seule créature humaine qui lui a échappé. Ce que les textes du jour nous disent de la maternité combattive et protectrice de la Vierge Marie, nous en avons quelques petites manifestations : Lourdes, Fatima, La Salette, Pontmain, l’Île Bouchard etc… Ces apparitions ne sont que la manifestation de la maternité de la Sainte Vierge.
Cette maternité de la Vierge Marie s’exerce aussi sur le Corps de son Fils qu’est l’Eglise. Nous sommes en effet habitués à parler de l’Eglise comme Corps du Christ ; et cette femme qui met au monde l’Enfant Jésus est aussi cette femme qui met au monde l’Eglise, le Corps de son Fils. Cette image nous permet de comprendre de quelle manière Marie est mère de l’Eglise. Mère de l’Eglise, Marie protège aussi son Enfant, l’Eglise, des attaques du démon. Et, est-ce que je vous apprends réellement quelque chose en vous disant que le diable attaque l’Eglise ? Oh par forcément de manière spectaculaire ! C’est bien plus fourbe, plus sournois, plus discret, mais non moins efficace. Les pires attaques de démon ne viennent pas de l’extérieur de l’Eglise comme on pourrait le croire de manière simpliste ; mais elles viennent du dedans. Et là, elles sont terribles, pare ce qu’elles divisent, cassent et abîment. La fête de l’Assomption nous redit aussi que Marie, Mère de l’Eglise, protège son Eglise des attaques du dragon. Ceci-dit, soyons tous les uns et les autres vigilants. Gardons-nous des propos, des remarques, des critiques qui abîment l’Eglise et qui la défigurent. Gardons-nous des attitudes faussement charitables, qui, maquillées sous des dehors de connaissance, d’expérience, ne sont bien souvent que l’expression d’un terrible orgueil ou d’une exaltation d’un ego dévastateur où finalement l’homme sait, il sait mieux, et il se met à la place de Dieu. Que Notre-Dame déploie sur chacun de nous, sur chacune de nos familles, sur notre paroisse, sur tous ses enfants et ses membres, sa maternelle protection. Amen !