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Solennité de la Pentecôte 2016
Chers frères et Sœurs,
Tous les textes que nous avons entendus, le livre des Actes des Apôtres, l’épître de St Paul aux Romains, la très belle séquence et l’Evangile selon St Jean, tout nous parle de l’action de l’Esprit-Saint, de ce qu’Il fait, de ce qu’Il accomplit.
Pour bien comprendre ce qu’apporte l’Esprit-Saint aux Apôtres, il nous faut revenir au contexte de l’époque. Jésus a quitté ses Apôtres il y a 10 jours, les laissant seuls, face à un monde menaçant, qui leur est assez hostile. Les chefs des prêtres ont obtenu la condamnation à mort de Jésus et ils comptent bien exterminer ce qu’ils considèrent comme une secte menaçant l’unité du Judaïsme. Les Actes des Apôtres évoquent brièvement l’état intérieur des Apôtres : repliés sur eux, enfermés dans une maison ; ils ont peur. Leur cœur n’est pas encore entièrement ajusté ni converti à ce que Dieu attend d’eux. Ils sont à la fois avec Jésus et en même temps loin de Lui, un peu comme Pierre au moment de la Passion qui déclarait qu’il resterait jusqu’au bout avec Jésus, mais qui a suivi les évènements de loin.
En nous remettant dans ce contexte, nous comprenons mieux la transformation qu’apporte l’Esprit-Saint. Non seulement, Il libère de la peur, du repli sur soi et change radicalement le rapport au monde : le monde n’est plus une menace ; mais il devient un lieu, une réalité à évangéliser. Mais encore, l’Esprit-Saint achève la conversion du cœur des Apôtres. Désormais, ils seront tout à Dieu, plus un coup avec Lui et un coup loin de Lui, mais tout entiers à Lui. L’intervention du Saint-Esprit ne s’est pas limitée à une transformation purement intérieure de l’âme des disciples, visant à renforcer leur union à Dieu en rendant leur prière plus fervente, plus authentique. En reposant dans le coeur des Apôtres, le Saint-Esprit les place au centre de l’Église afin qu’ils travaillent selon la volonté de Jésus à sa construction jusqu’aux extrémités de la terre.
Habitant le cœur des Apôtres et les plaçant au centre de l’Eglise, l’Esprit-Saint transforme l’Eglise instituée par Jésus, en lui assurant sa vitalité divine. Il est en son coeur comme un souffle de vie, comme un feu auprès duquel se réchauffent tous les membres du corps. Il forge l’unité de la communauté des croyants, telle l’âme humaine pour le corps. Les Actes des Apôtres mentionnent que les langues ”se partageaient” (Ac 2, 2). Un même Esprit vient reposer sur la tête de chacun des Apôtres, et par la suite sur chacun des croyants. Il devient aussi principe d’unité. Celui qui fait l’unité entre le Père et le Fils, Celui qui est l’unité du Père et du Fils est le même qui construit l’unité de l’Eglise, assurant en même temps sa nécessaire et naturelle diversité. Le fait que l’Esprit inspire les Apôtres pour parler des merveilles de Dieu est à rapprocher de l’épisode de la Tour de Babel. Dans cet épisode, l’orgueil de l’homme avait amené la division, les rivalités. En donnant aux Apôtres d’utiliser toutes les langues des peuples présents à Jérusalem, l’Esprit-Saint se révèle comme celui qui reconstruit l’Unité, mais qui montre aussi en même temps que la véritable unité est en Dieu seul.
Alors à nous aussi aujourd’hui l’Esprit-Saint est redonné. Par notre baptême, nous faisons partie du Corps du Christ qu’est l’Eglise. Prenons garde à être dociles à l’Esprit-Saint. Trop souvent, nous suivons des esprits qui ne sont pas des dons de Dieu, mais suggestions du Malin : esprit d’orgueil et de critique, esprit de contradiction et de discorde, esprit de commérage, d’amertume et de désunion.
Les fruits de tels esprits sont manifestes. D’où vient la mort donnée volontairement à l’enfant dans le sein maternel, qui interrompt une vie jaillie de la rencontre de la main de Dieu et de l’homme ? D’où naissent tant de brouilles, de conflits, au sein des familles ou des communautés, que le temps ne semble pas devoir apaiser ? D’où découlent les divisions au sein même de l’Église, fruits de la désobéissance ou de l’aveuglement ? Le coeur qui méprise le faible, le pauvre, le coeur qui ne donne pas
place à la miséricorde et ne sait pas pardonner, le coeur qui agit avec suffisance et calcul, négligeant le bien de son prochain, n’est pas à l’école de l’Esprit et n’oeuvre pas en réalité pour le bien total du corps, pour son avenir. Aujourd’hui, l’Esprit-Saint nous invite à quitter les périphéries tranquilles de nos existences pour nous placer au Centre de l’Eglise.
Pour terminer, je souhaiterais attirer votre attention sur deux points qui concernent notre vie chrétienne actuelle.
Le premier, c’est qu’en lisant les Ecritures, nous voyons de quelle manière c’est l’Esprit-Saint qui construit l’Eglise, qui évangélise. C’est Lui qui dépasse et franchit tous les obstacles : la barrière les langues. C’est Lui qui contourne la fermeture des cœurs des Juifs qui se ferment à l’Evangile en envahissant le cœur des païens qui, eux, accueilleront la foi. Par conséquent, fêter la Pentecôte, c’est aussi rendre grâce à l’Esprit-Saint pour son œuvre, et c’est aussi Lui faire confiance et s’en remettre à Lui qui sait où aller et comment y aller. L’avenir de l’Eglise et de l’évangélisation n’est pas dans des schémas tout faits ou dans des structures à ré-inventer; il est dans le cœur des baptisés. Mais, attention à ce que nous soyons à notre juste place. Si nous nous mettons à la place de Dieu, si nous pensons à sa place, cela ne marchera pas…
Le deuxième point d’attention découle de notre manière de parler de l’Eglise. Demandons à l’Esprit-Saint la grâce d’aimer vraiment l’Église. Dans nos paroisses, dans nos familles, en nos coeurs, l’Église n’est pas assez aimée ; elle est trop souvent critiquée : là est la principale cause du manque de vocations. On ne s’engage pas pour quelqu’un qu’on n’aime pas ou pour quelqu’un qu’on ne donne pas envie d’aimer. Chacun de nous a une part importante dans ce souci : comment parlons-nous de l’Eglise, de nos paroisses, des prêtres ?
En cette Solennité de la Pentecôte, demandons à l’Esprit-Saint de nous éclairer sur les conversions que nous avons à vivre et demandons-Lui de nous faire grandir dans le cœur de l’Eglise et dans l’Amour de l’Eglise. Amen !