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6èm Dimanche Temps ordinaire
Frères et sœurs ,
Une nouvelle fois, en ce dimanche, la liturgie nous donne à voir Jésus Médecin, le Vrai Médecin de notre humanité. En guérissant ce lépreux, Jésus ne le guérit pas seulement de la lèpre qui le ronge, mais il rétablit le lépreux dans toute sa dignité d’être humain. Il le guérit physiquement certes, mais aussi spirituellement, psychiquement et socialement. La guérison qu’opère le Christ est totale. Pour ceux qui parmi nous connaissent la maladie, ou bien directement ou bien indirectement – à travers un parent malade par exemple- nous mesurons bien la difficulté que nous avons à rencontrer de vrais médecins, c’est-à-dire des médecins qui vont prendre la personne malade dans sa globalité, dans son intégralité, et pas seulement à travers sa pathologie.
Je voudrais que nous nous arrêtions tout d’abord sur ce cri du lépreux à Jésus : « Si tu le veux, tu peux me purifier. » Cette demande paraît toute simple ; en fait, elle est spirituellement très élaborée et beaucoup plus compliquée qu’il n’y paraît. « Si tu le veux… » commence le lépreux. Il accepte de dépendre entièrement de la volonté de Dieu. Il s’abandonne totalement à Dieu. Du reste, il n’a plus rien à perdre. Mais, on ne mesure pas le chemin spirituel parcouru pour arriver à telle formulation. Nous savons tous qu’il est difficile de faire la volonté de Dieu. C’est la raison pour laquelle nous demandons cette grâce plusieurs fois par jours dans notre prière : « Que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel. » On peut dire comme cela en surface que nous cherchons à faire la volonté de Dieu ; mais quand il s’agit de mettre en acte, c’est une autre question. Alors on peut n’en faire qu’à sa tête, on peut entendre ce que Dieu dit, mais ne pas obéir…et on résiste. En fait le lépreux a dû mourir à plein d’autres solutions envisagées qui ne l’ont pas guéri ; et une fois que tout a été tenté, eh bien, il ne reste plus que Jésus. Comme je le disais, il n’a plus rien à perdre ; donc : « Si tu le veux, tu peux me guérir. » La formulation de la prière implique que le lépreux est prêt à accepter que Jésus ne veuille pas le guérir. Il accepte de dépendre de Dieu. Que sa volonté soit faite. Bien souvent, il peut nous arriver de demander à Dieu que sa volonté se fasse ; mais demandons-nous en profondeur si nous sommes prêt à accepter que ce que nous demandons ne soit pas exaucé…Là se situe la véritable dépendance; là se situe le abandon. C’est là qu’il y a une mort à vivre, mort à son désir personnel et profond.
Mais la maladie, les difficultés de la vie, la pauvreté évangélique, pas la misère, les épreuves, nous conduisent souvent à entrer dans ce chemin de dépouillement et d’abandon qui est le propre du chemin chrétien. Mais chemin difficile à vivre. C’est là, frères et sœurs, que la foi nous est d’un grand secours ; parce qu’elle nous donne à savoir que ce chemin a un sens, une direction.
A cette belle prière, Jésus répond en touchant le malade et lui disant : « Je le veux, sois purifié. » Cette réponse de Jésus repose sur sa volonté qui est de guérir tout homme ; et elle repose sur un toucher de Jésus et une parole…ce qui fonde pour nous le rite du sacrement. Tous les sacrements sont constitués d’un toucher et d’une parole divine.
Je voudrais m’arrêter un peu sur la question des sacrements parce qu’il me semble que nous vivons dans une certaine « protestantisation » des sacrements. Je m’explique. On insiste beaucoup aujourd’hui, et à juste titre d’ailleurs, sur le fait que Dieu n’est pas enfermé dans les sacrements. C’est tout à fait vrai. Et je crois qu’il est très bon de le redire en pensant tout d’abord à nos frères et sœurs qui sont dans des situations matrimoniales « pas canoniques » dirais-je… Rien n’empêche Dieu de se donner à qui Il veut, quand Il veut et sous la forme qu’Il veut. Et je pense aussi qu’il est important de le redire à l’heure où l’Eglise travaille sur les questions délicates d’accès à la communion dans telle ou telle situation. Mais cette réalité réaffirmée, il ne faut pas non plus en arriver à relativiser les sacrements, surtout pour ceux qui peuvent les recevoir. C’est là, que nos mentalités se « protestantisent » un peu. Il faut tenir les deux : c’est-à-dire à la fois que Dieu n’est pas enfermé dans les sacrements et qu’il agit aussi en dehors des sacrements ; mais aussi que les sacrements sont nécessaires pour nous donner la grâce et guérir notre humanité blessée et abîmée. Je vais prendre deux exemples de cette équation difficile : le baptême et l’Eucharistie.
Le baptême : Le baptême donne le Salut ; il donne accès au salut. Certes, l’Eglise reconnait que les personnes non baptisées sont associées au mystère du Salut par les moyens que Dieu seul connaît : le fait de vivre selon le Bien, de faire le Bien dans sa vie…Mais, cela ne doit pas relativiser le sacrement du baptême qui donne accès au Salut. Sinon, expliquez-moi pourquoi Jésus demande à ses disciples de baptiser toutes les nations ?
L’Eucharistie. On entend souvent qu’il n’y a pas besoin de venir à la messe pour être chrétien et pour prier. On peut prier chez soi. Oui, c’est vrai. Sauf qu’à l’Eglise, Jésus est présent, réellement présent et qu’Il nous attend ; qu’Il Vous attend…à moins qu’on ne croie pas en la présence réelle. Alors là, nous sommes protestants ! La vie divine reçue au jour de notre baptême a besoin d’être nourrie, tout comme la vie humaine. Ce n’est pas par hasard que Jésus choisit de se donner sous la forme du pain : Il nous révèle ainsi qu’Il se fait nourriture pour nous donner la vie divine.
L’ouverture que l’Eglise a par rapport à l’action du Christ en dehors des sacrements est une bonne chose ; mais elle ne doit pas s’accompagner d’une relativisation voire d’une contestation de la nécessité des sacrements, surtout chez ceux qui sont entrés dans la vie baptismale.
Alors, si je reviens à la guérison du lépreux, Jésus le guérit totalement. Il le guérit physiquement, spirituellement, moralement et socialement. Aujourd’hui la médecine fait des progrès ; un jour elle arrivera à guérir les maladies que nous connaissons ; d’autres apparaitront ; c’est ainsi. Mais, il y a une chose que la médecine ne pourra jamais guérir, c’est le péché. Là, seul Dieu peut agir. Or, qu’on le veuille ou non, que cela nous plaise ou non, même si c’est un mystère, il y a un lien entre le mal et le péché ; bien sûr, pas un lien direct ; mais il y a un désordre que nous portons tous, que nous subissons tous, devrais-je dire ! Et seul Dieu peut agir alors dans les sacrements pour ceux qui peuvent les recevoir, en dehors des sacrements pour les autres, mais seul Dieu peut agir, pas la médecine. Le meilleur moyen que les sacrements soient efficaces en nous, c’est de recevoir le pardon pour nos péchés dans le sacrement de la confession. C’est une question à nous poser à quelques jours de l’entrée en Carême, temps de conversion et de pénitence.
Et puis, frères et sœurs, il y a une dernière question avec laquelle je vous laisse : demandons-nous avec quelle ouverture de cœur et avec quel acte de foi nous recevons les sacrements du Christ. Avons-nous un cœur ouvert comme le lépreux pour dire: « Si tu le veux… » ? Avons-nous une foi suffisamment solide pour dire « Tu peux me purifier » ? Amen !