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1er Dimanche de l’Avent
« Ah ! si tu déchirais les cieux, si tu descendais ! »
Frères et sœurs,
Nous voici entrés dans ce beau temps de l’Avent qui cette année ne durera que 3 semaines ! trois semaines pour nous préparer à la fête de la Nativité du Fils de Dieu. Si, comme le temps du Carême, le temps de l’Avent est un temps de conversion et d’attente, il a de particulier qu’il est aussi un temps de désir : le désir d’accueillir Dieu, le désir de voir Dieu, le désir de rencontrer Dieu.
Comment ne pas nous retrouver dans le cri du prophète Isaïe, qui date de plus de 29 siècles ? Comment ne pas être frappé, malgré les évolutions des sociétés, des modes de vie, comment ne pas être frappé par le même cri qui monte du cœur de l’homme vers Dieu, et qui appelle Dieu à l’aide ? : « Ah si tu déchirais les cieux, si tu descendais, les montagnes fondraient devant toi. » crie le prophète. Mais qui parmi nous n’a jamais souhaité voir Dieu en face, lui parler en vis-à-vis, pour lui confier un problème, une situation, pour lui demander ce qu’on ne comprend pas, ce qu’on trouve injuste.
Quelles que soient les manières dont il est géré, dont il est parfois étouffé, le désir de Dieu est caractéristique du désir de l’homme. Il est, pourrait-on dire, constitutif, de notre nature humaine. Et ce malgré les très nombreuses compensations que l’homme sait mettre en œuvre pour gérer le manque laissé en notre nature par le désir de Dieu. Notre Pape émérite Benoît XVI disait qu’un des meilleurs arguments en faveur de la foi en la vie éternelle aujourd’hui résidait dans l’expérience de l’ injustice que vivent les hommes ici-bas sur terre. Il y a quelque chose qui, au fond d’eux, crient vers Dieu le désir que justice soit rendue, lorsque celle-ci n’est pas rendue, ou pas complètement rendue. Eh bien, frères et sœurs, profitons de ce temps de l’Avent pour mettre à jour en nous notre désir de Dieu. Qu’attendons-nous de Lui ? Si au lieu de commander ou de demander des cadeaux à Noël, nous nous mettions à lister tout ce que nous attendons de Dieu, tout ce que nous souhaiterions lui dire, lui demander, tout ce de quoi nous aimerions être libérés, nous préparerions de manière beaucoup plus forte et féconde la fête de la Nativité du Fils de Dieu…même si ce sont parfois des cris ou des plaintes d’injustice. Voilà concrètement, comment préparer la venue du Fils de Dieu. Que notre prière n’ait pas peur de devenir une prière de désir. Le beau chant du Rorate Caeli qui nous accompagnera pendant tous ces dimanches de l’Avent reprend ce cri des hommes vers Dieu : « Cieux, répandez d’en haut votre rosée, et que les nuées fassent descendre le Juste. »
A ce cri d’appel de l’homme vers Dieu, Dieu répond. Isaïe le prophétise : « Voici que tu es descendu, et les montagnes ont fondu devant ta face. (…) Personne n’a vu un autre dieu que toi agir ainsi envers l’homme qui est fidèle. » Et l’évangéliste, pour ne pas passer à côté de la venue du Seigneur, nous dit : « Prenez garde, veillez : car vous ne savez pas quand le maître de la maison viendra.» La réponse de Dieu au cri d’appel de l’homme vers Lui est dans le mystère de l’Incarnation et de la Nativité du Fils de Dieu. Dans cette venue de Dieu, Dieu répond à l’homme. Dieu répond à l’homme en se donnant Lui-même. Tout est donné, mais tout doit se déployer. Et l’homme doit découvrir dans le Fils de Dieu la réponse à tous ses propres appels. En effet, Jésus, en tant qu’homme, est à la fois l’homme qui crie vers Dieu : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » comme, en tant que Fils de Dieu, Il est aussi la réponse de Dieu à l’homme. A nouveau, le chant du Rorate Caeli se fait l’écho de cette réponse de Dieu à l’homme : « Je te sauverai, n’aie pas peur, moi je suis le Seigneur Dieu, ton Rédempteur. »
L’Avent fait mémoire de trois venues du Seigneur. La première est celle qui s’est faite dans le Temps, par l’Incarnation et la Nativité du Fils de Dieu. C’est à travers cette venue du Fils de Dieu que Dieu nous répond totalement et que tout a été dit, mais il reste vrai que tout est encore à découvrir. La deuxième venue à laquelle nous prépare le temps de l’Avent est celle du Seigneur qui ne cesse de se rendre présent aujourd’hui à nous, à travers ses multiples médiations : l’Eglise, les sacrements, les frères et sœurs, la prière, les inconnus etc… La troisième venue à laquelle nous prépare l’Avent est celle du Fils de l’Homme à la fin des Temps. Vivre le temps de l’Avent comme une préparation à la fête de la Nativité de Jésus nous conduit nécessairement à nous ouvrir aux autres dimensions de la venue du Seigneur.
Alors, concrètement, où se passe cette ouverture de cœur, cette préparation à la rencontre ? Eh bien, dans la prière. « Veillez donc, nous dit Jésus, car vous ne savez pas quand le maître de la maison reviendra. » Vous savez que le verbe latin vigilare qui veut dire veiller veut dire aussi prier. En latin, ce verbe a les deux sens. D’ailleurs, les moines et les moniales ont un office qui s’appelle les Vigiles, c’est cet office qu’ils prient dans la nuit, dans l’attente du jour qui va venir. La prière, au sens de vigilare, c’est-à-dire au sens de la veille, est le lieu où l’homme laisse s’exprimer son désir de Dieu et où Dieu vient rejoindre l’homme et lui répondre. La prière est une rencontre réciproque entre Dieu et l’homme. Telle est la profondeur de la prière qui ne peut se réduire qu’à être un moment où je récite mes prières. La prière, c’est beaucoup plus que cela, même si cela passe parfois par le fait de réciter, de dire ensemble des prières. La prière, c’est fondamentalement une veille, une attente dans la nuit, dans le clair-obscur, de la rencontre avec Dieu qui nous répond.
Frères et sœurs, soignons au cours de ce temps de l’Avent la prière que nous offrons à Dieu. Prenons soin de ce temps que nous consacrons à Dieu. Laissons notre désir de Dieu s’exprimer. Ouvrons notre cœur au fait que Dieu nous rejoint et nous répond dans notre prière. Et pensons à cette ultime rencontre que nous vivrons tous un jour : c’est au travers de notre prière que se joue notre rencontre avec Dieu et notre entrée dans la vie éternelle. Amen !