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Solennité de Noël
Messe de la Nuit
Frères et Sœurs,
L’Evangéliste St Luc place le récit de la naissance de Jésus dans un contexte politique bien particulier : celui du recensement de « toute la terre ». Pas de l’empire, romain, mais de « toute la terre ». La prétention de l’empereur à être le maître de toute la terre est flagrante.
Le recensement chez les Hébreux n’est pas un acte anodin : c’est un péché. Le Roi David en a fait les frais. La Bible, et derrière Dieu, condamne la pratique du recensement, parce qu’il révèle l’orgueil de l’homme, la volonté de savoir, de tout maîtriser. Savoir combien de personnes peuplent un territoire, c’est se mettre à la place de Dieu qui, Lui seul, sait tout. Le Roi David va ordonner un recensement que Dieu va condamner : de ce fait, David devra choisir entre 3 fléaux : la peste, la famine ou la guerre.
C’est donc dans ce contexte bien particulier du recensement que va naître Celui qui vient sauver le monde, Celui à qui la possession du monde a été remise, Celui qui vient sauver le monde en le rendant à Dieu. La figure de l’empereur Auguste nous renvoie au péché des origines, à l’orgueil de l’homme qui se met à la place de Dieu en voulant savoir ce qu’il ne peut pas savoir. L’empereur se met à la place de Dieu. Il ne laisse pas de place à Dieu.
Alors, nous qui ce soir fêtons la Nativité de Jésus, demandons-nous quelle place nous laissons à Dieu dans notre vie, dans notre temps. Ne nous arrive-t-il pas, nous aussi, de nous mettre à la place de Dieu, avec parfois les meilleures intentions ? de nous mettre à la place de Dieu pour nous-mêmes, pour les autres ? Le développement d’une vie égocentrée, la non sanctification du Jour du Seigneur (pas seulement le fait de ne pas aller à la messe le dimanche, mais aussi notre manière de vivre le Jour du Seigneur), notre manque d’attention à la présence de Dieu dans nos vies, chez les autres, dans les églises, les moyens de communication, les réseaux sociaux qui étouffent la vie intérieure, tous ces traits actuels de nos sociétés occidentales, sont révélateurs du fait que l’homme ne fait plus de place à Dieu et se met au centre à la place de Dieu. Chacun de nous est guetté par ces dérives. Nos législations aussi lorsqu’elles étouffent et parfois combattent, bien sûr subrepticement, la place de Dieu ; lorsqu’aussi elles favorisent des Lois opposées à l’ordre naturel des choses. Fêter chrétiennement Noël, c’est non seulement ne pas nous mettre à la place de Dieu, mais aussi faire de la place à Dieu !
La figure de l’empereur Auguste met aussi en lumière un contraste entre deux pouvoirs : le pouvoir humain, politique et le pouvoir de Dieu. L’empereur ordonne, commande, et tout le monde obéit. Le pouvoir de Dieu se révèle dans un enfant qui se propose à l’accueil de chacun. Dieu gouverne en se proposant, en faisant appel à notre liberté, à notre accueil. Dans notre vie de tous les jours, nous pouvons attendre, exiger beaucoup de choses de la part de Dieu (qu’Il nous guérisse, qu’Il nous réserve un avenir serein, qu’Il nous obtienne telle ou telle chose), mais Lui, Dieu n’attend qu’une chose de nous : c’est que nous l’accueillions. Le véritable pouvoir sait obtenir notre libre assentiment et se révèle dans le don de Dieu et l’accueil de l’homme. Comme le synthétisera St Augustin dans ces Confessions : « Dieu qui t’a créé sans toi, ne veut pas te sauver sans toi. » Dieu ne force jamais la porte de notre cœur. Alors, ce soir, en cette nuit de la Nativité, accueillons le dans notre cœur. Sachons lui faire de la place non seulement aujourd’hui, mais aussi dans la durée et la fidélité, tout au long de notre vie. Amen !