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Solennité du Christ-Roi de l’Univers
Frères et sœurs,
En fêtant ce dimanche la Solennité du Christ Roi de l’Univers, nous admirons et confessons la Seigneurie du Christ sur toute la Création et toutes les Créatures de l’Univers, en même temps que nous entrons dans le cœur d’un malentendu qui court toute la vie humaine de Jésus et dont Il subira les conséquences malheureuses en étant condamné à mort. La question ambigüe de la royauté du Christ apparait bien avant la naissance de Jésus : elle naît du fait que le Messie doit être issu de la tribu de Juda qui est la tribu royale d’Israël. Une grande figure va marquer cette tribu royale : il s’agit du Roi David. Et, depuis le Roi David, le Messie est vu et attendu comme le Roi d’Israël. Alors, quand Jésus naît, le Roi Hérode prend peur à l’occasion de la démarche des Mages qui viennent adorer le « Roi des Juifs » qui vient de naître. Durant tout son ministère, Jésus devra affronter, supporter, les attentes royales qui s’expriment autour de sa messianité. Enfin, sur la Croix, on inscrira : « Jésus de Nazareth le Roi des Juifs » motif de sa condamnation à mort. Alors, nous, nous savons que la Royauté de Jésus n’est pas d’ordre politique. Mais justement alors, quelle est la nature de sa royauté ?
Il est intéressant de regarder les textes que la liturgie nous donne pour fêter le Christ Roi. Comment les lectures caractérisent-elles la Royauté du Christ ? Eh bien, nous retrouvons dans presque toutes les lectures des images pastorales. La première lecture nous montre le Seigneur comme un bon berger qui guide son troupeau : ses brebis, ses béliers et ses boucs. Le Pasteur veille sur son troupeau ; il va rechercher les brebis perdues, il les soigne, les guérit, les fortifie, leur donne à manger, les fait reposer, il les protège. On reconnaît évidemment la préfiguration de Jésus, Bon Pasteur. Le Psaume décrit la relation entre le fidèle et Dieu comme la relation entre le Pasteur et sa brebis. Et l’Evangile nous parle des brebis et des chèvres. Toutes ces images nous montrent le Seigneur comme un Berger qui prend soin de son troupeau. Nous ne sommes pas dans une vision politique de la royauté, mais dans une vision exclusivement pastorale. Le Messie est un Pasteur ; et la royauté de Dieu s’exprime dans des attitudes pastorales, donc dans des attitudes sacerdotales, puisque la mission du prêtre est d’être un pasteur et de conduire le troupeau. La Royauté du Christ apparait à travers les textes de la liturgie comme une royauté pastorale, sacerdotale.
Alors se pose maintenant à nous une deuxièmes question : comment entrons-nous dans cette Royauté du Christ ?
Très concrètement, nous entrons dans cette royauté du Christ par le sacrement du baptême, lors de l’onction avec le Saint-Chrême, lorsque le ministre dit au nouveau baptisé : « Tu es membre du Corps du Christ et tu participes à sa dignité de prêtre, de prophète et de Roi. » L’onction nous introduit dans la mission royale de Jésus tout en nous donnant mission de construire cette royauté. Je vous fais juste remarquer au passage que notre pays a hérité cette tradition de l’onction qui confère une mission royale : c’est ainsi que les Rois de France étaient sacrés. La deuxième lecture précise la nature et les effets de la royauté du Christ à laquelle nous sommes appelés à participer : « Après avoir détruit toutes les puissances du Mal ; (…) Il doit régner jusqu’au jour où il aura mis sous ses pieds tous ses ennemis. Et le dernier ennemi qu’il détruira, c’est la mort. » Le pouvoir royal dont il est question est un pouvoir qui s’exerce contre le mal, la mort et le péché.
C’est-à-dire qu’il est du devoir des baptisés non seulement de construire le bien, mais aussi de lutter contre les puissances du mal. Si nous entrons dans la royauté du Christ par le sacrement du baptême, nous avons à construire cette royauté par nos œuvres : nourrir les affamés, vêtir les pauvres, accueillir l’étranger, visiter les prisonniers. La Royauté du Christ a une implication et une visibilité sociale. Nous serons jugés sur nos œuvres. Et sur l’amour qui sous-tend nos œuvres. La perfection chrétienne, notre salut, ne se jouent pas dans nos œuvres, mais dans l’Amour que nous mettons dans nos œuvres. L’amour a une capacité de rédemption, il sauve et sanctifie : il rachète nos manques, nos péchés et perfectionne nos œuvres.
L’Evangile que nous venons d’entendre donne une autre voie d’accès à l’entrée dans le Royaume du Christ : il s’agit de reconnaître que Dieu est en tous et par conséquent, d’être ouvert à sa présence. Vous remarquerez que les « maudits », placées à la gauche du Fils de l’homme, sont non seulement ceux qui n’ont pas aidé leur prochain, mais aussi ceux qui n’ont pas reconnu la présence du Christ dans leur frères et sœurs : « Seigneur, quand est-ce que nous t’avons vu avoir faim, soif, etc… ? sans nous mettre à ton service ? Il leur répondra : ‘Amen, je vous le dis, chaque fois que vous ne l’avez pas fait à l’un de ces petits, à moi non plus, vous ne l’avez pas fait’. »
Pour entrer dans la Royauté du Christ, pour construire ce Royaume, il nous faut être ouvert à la présence de Dieu en l’autre. Le service de Dieu et celui des frères ne sont pas à séparer, à distinguer, ou encore moins à opposer, comme voudrait le faire une conception intégriste de la laïcité, mais ils se complètent et se nourrissent mutuellement, étant entendu que l’amour de Dieu est la source première de tout et qu’Il vivifie tout notre être et nos engagements. Puisse aussi dans l’Eglise mourir cette idéologie sclérosante qui sépare l’engagement religieux, de foi, de l’engagement social ou associatif. La foi chrétienne unifie, elle ne divise pas ni encore moins oppose.
Prions pour que, dans les générations qui viennent, se lèvent des chrétiens correctement formés et suffisamment solides pour réunifier le service de Dieu et celui des frères. C’est ce qui a fait que nos sociétés ont été chrétiennes : l’Eglise tenait des écoles, des hôpitaux, des orphelinats, des patronages. Prions pour que les baptisés s’engagent dans la vie sociale, politique, afin de contribuer à édifier ici-bas le Royaume du Christ. Amen !