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Gwener ar Groaz 2016
Frères et sœurs,
La Passion de Jésus nous place devant un dilemme : soit nous la regardons avec un regard non-chrétien auquel cas la Passion de Jésus nous apparaît être un échec ; soit nous la regardons avec les yeux de la foi et alors, la Passion nous apparaît être la manifestation la plus sublime de l’Amour de Dieu. Cette ambivalence, nous la retrouvons déjà annoncée dans les prophéties d’Isaïe, entendues en première lecture : « Il s’est dépouillé lui-même jusqu’à la mort, il a été compté avec les pécheurs, alors qu’il portait le péché des multitudes et qu’il intercédait pour les pécheurs. » Comment donc, nous qui commémorons la Passion de Jésus, vivons-nous intérieurement cette communion avec Jésus souffrant ?
Regardons dans un premier temps le dépouillement que Jésus vit tout au long de sa Passion. Il s’agit d’une véritable descente aux enfers, dans tous les sens du terme d’ailleurs, puisque c’est ce que nous commémorerons demain. Entré à Jérusalem comme un super héros, Jésus va progressivement tout perdre : l’abandon de la foule qui l’acclamait et qui va se retourner contre Lui, préférant la libération de Barrabas ; la trahison d’un de ses disciples ; le reniement de celui qui à qui Il a confié l’Eglise ; l’abandon de ses disciples ; Il va perdre sa dignité, va être mis à nu, va être flagellé, moqué, humilié, condamné à mort comme le pire des criminels, crucifié, puis tué. Sur le chemin de sa Passion, Jésus perd progressivement tout !
Comme je le disais lors du dimanche des Rameaux, nul ne peut comprendre ce chemin sans l’amour. C’est l’Amour infini de Dieu qui conduit Jésus à se dépouiller de tout ce qu’il a et de tout ce qu’Il est. Il ne garde rien ; Il donne tout et Il va jusqu’au bout !
Simplement ce qu’un regard non-chrétien verra comme une descente aux enfers, comme un échec, un regard chrétien le voit différemment. On risquerait d’oublier que Jésus a tout assumé. Même ce qui aura l’apparence d’un échec. Jésus l’a déjà annoncé et assumé. Par trois fois, Il annonce à ses disciples qui ne comprennent pas (ou ne veulent pas comprendre ?) sa Passion et sa Résurrection. Il annonce aussi la trahison de Judas ; Il annonce le reniement de Pierre. Il anticipe son sacrifice humain de manière eucharistique. En fait, Jésus assume tout et maîtrise entièrement ce qui va se passer, malgré l’apparence de l’échec. De ce fait, ce que nous voyons comme la plus haute manifestation de l’Amour de Dieu, c’est-à-dire la Passion, devient encore plus chargée d’Amour puisque Jésus a déjà tout assumé et tout racheté.
Car c’est bien de « rachat », de « rédemption » dont il est question. Regardons ce qui semble être un petit détail dans la main de St Jean, mais qui ne l’est absolument pas. Le récit de la Passion commence par cette phrase : « Il y avait là un jardin dans lequel Il entra avec ses disciples. » A la fin de la passion, nous trouvons cette phrase : « Près du lieu où Jésus avait été crucifié, il y avait un jardin, et dans ce jardin, un tombeau neuf dans lequel on n’avait encore mis personne. » La mention du jardin n’est pas le fruit du hasard. Il renvoie bien sûr d’abord au jardin originel, là où l’homme s’était détourné de Dieu ; là où l’homme avait fait sa volonté au lieu d’obéir à celle de Dieu. Quand on comprend cela, on comprend les multiples appels de Jésus à ses disciples : « Priez pour ne pas entrer en tentation ! » Le jardin : lieu de la tentation, de la chute. On comprend le dialogue entre Jésus et son Père au sujet de la coupe, dialogue rapporté dans les autres Evangiles : « Mon Dieu, s’il est possible, que cette coupe passe loin de moi. Mais, non pas ma volonté, mais la tienne ! » Le jardin, lieu de la désobéissance et lieu de l’obéissance à Dieu ! Le jardin est aussi le lieu de la trahison, c’est le lieu où Judas et les gardes viennent arrêter Jésus. Dans la Passion, le jardin de Gethsémani est le lieu du rachat de la faute originelle, le lieu où Jésus va accepter jusqu’au bout la volonté du Père, naguère refusée. Le jardin de Gethsémani annonce le jardin de la Résurrection, le jardin nouveau ! Nous le voyons bien la Passion de Jésus est la manifestation du mystère de la Rédemption. Tout est assumé ! Tout est racheté ! Même le triple reniement de Pierre ; même la trahison de Judas ! Sauf que Judas n’acceptera pas le pardon de Jésus ; il s’en auto-exclura .
Alors, frères et sœurs, nous sommes invités à nous reconnaître dans l’entourage de Jésus, car Il a tout vécu pour nous. Nous sommes dans ce drame. Nous sommes invités à reconnaître que nos péchés, nos blessures, sont dans celles de Jésus. Et, si nous arrivons à nous reconnaître dans ce drame, alors nous entrerons dans le mystère de la rédemption. A nouveau, Isaïe l’annonçait : « Pourtant c’était nos souffrances qu’Il portait, nos douleurs dont il était chargé. (…) C’est par nos péchés qu’il a été broyé. (…) Par ses blessures, nous sommes guéris. » La Passion de Jésus nous apporte la guérison ultime, la guérison définitive. Mais cette guérison offerte à tous, ce salut offert à tous, appartient à ceux qui trouvent leur place dans la Passion de Jésus.
Aujourd’hui, peut-être nous-mêmes, en tout cas certainement autour de nous, bon nombre de personnes communient à leur manière à la Passion de Jésus. Ne passons pas à côté de ceux qui ont besoin d’aide, de soutien. Voilà une autre manière de vivre la Passion. Par ailleurs, gardons toujours dans notre cœur que le secret de la Passion de Jésus réside dans le mystère de la Communion que nous vivons avec Jésus. Jésus a assumé les apparences de l’échec, mais a fait de sa descente aux enfers le plus haut lieu de l’Amour. Avec Lui, nous pouvons nous aussi transformer nos passions pour qu’elles deviennent des lieux de don, des lieux d’Amour, des lieux de rédemption et des lieux de Salut. C’est le trésor de la Communion avec la Passion de Jésus. Amen !