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5ème dimanche de Carême
Frères et sœurs,
« Nous voudrions voir Jésus », c’est la question que nous pose l’Evangile ce dimanche. « Voir Jésus ». C’est aussi la question que nous pose notre monde qui, tout en rejetant Dieu, tout en abandonnant la pratique religieuse au sein même des familles, court dès qu’il le peut auprès de ceux qui ont pris la place de Dieu.
Frères et sœurs, ne nous trompons pas ! Notre monde ne rejette pas la religion. Au contraire ! Mais il se détourne de la foi ; il rejette la pratique. Mais jamais, les superstitions, les rites en tout genre n’ont autant fleuri. Notre monde a dans le fond besoin de Dieu ; il a le désir de Dieu ; mais il étouffe son désir de Dieu.
« Nous voudrions voir Jésus. » Alors, il est intéressant de voir comment Jésus répond à cette question ; de voir comment il se donne à voir. Parce que, on est au moment de la fête de Pâques ; tout Jérusalem est en émoi ; tout le monde parle de Jésus. La question est très débattue : est-Il, oui ou non, le Messie ? On rapporte ces miracles. Jésus, à quelques jours de sa Passion, est encore l’homme qui réussit tout ; l’homme plein de pouvoirs miraculeux ! Et alors, comment Jésus se donne-t-Il à voir ? Il annonce sa Passion : « L’heure est venue pour le Fils de l’homme d’être glorifié. » Et puis Il annonce clairement son aversion de la mort : « Maintenant, je suis bouleversé. Que puis-je dire ? Dirai-je : Père délivre-moi de cette heure ? »
Le « Jésus » que l’on veut voir apparaît comme un homme qui partage notre faiblesse, un homme qui redoute de mourir. Il apparait comme un homme qui souffre et qui accepte la souffrance.
Frères et sœurs, cette question qui nous est posée et la réponse que Jésus lui apporte nous conduisent à nous interroger sur notre propre manière de parler, de révéler le visage de Jésus. Interrogeons-nous aussi sur notre capacité à assumer dans notre vie de foi, dans notre vision de foi, la place de Passion, la place de la Croix de Jésus. Trop souvent, nous sommes concernés par le risque de réduire la foi à ou bien une propagande, ou bien à une doctrine ou bien encore à une morale du « Bien Vivre », du « Bien être. » Mais on risque alors de passer à côté de l’essentiel ; on risque d’éclipser, de mettre de côté le mystère de la Croix. N’oublions pas que le lieu où Jésus ouvre le plus les bras à notre monde, c’est sur la Croix. Le mystère de l’Incarnation atteint son plus haut degré d’assomption sur la Croix. Le moment où Jésus rejoint le plus grand nombre de personnes, c’est sur la Croix : « Et quand j’aurai été élevé de terre, j’attirerai à moi tous les hommes. » annoncera Jésus. On méconnait aujourd’hui le pouvoir d’attraction, la puissance de la Croix. D’autant que c’est la Croix du Seigneur qui devient source de vie, de fécondité surnaturelle : « si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il reste seul ; mais s’il meurt, il donne beaucoup de fruit. »
« Nous voudrions voir Jésus. » demandent des Grecs montant à Jérusalem pour la fête de Pâques. Nous avons vu comment Jésus se donne à voir. Mais, Jésus révèle aussi son Père ; Il révèle Dieu. Il révèle la gloire de Dieu ; la gloire, c’est-à-dire son Amour, sa Toute-Puissance, sa divinité.
« L’heure est venue pour le Fils de l’Homme d’être glorifié. » prophétise Jésus. C’est-à-dire : « L’heure est venue pour le Fils de l’Homme de manifester, de révéler Dieu au monde. » Et, pris dans l’angoisse de la mort qui approche, Jésus appelle son Père : « Père glorifie ton Nom ! » C’est tout le paradoxe de la gloire divine : la divinité ne se révèle pas dans le triomphe, dans le succès, mais dans l’obéissance, dans l’abaissement. Jésus glorifie son Père par son obéissance sur la Croix et le Père glorifie son Fils par la fécondité et la puissance qui découleront de la Croix. Dans sa Passion, Jésus donne à voir Dieu.
Frères et sœurs, il reste un point important à aborder ; c’est celui des personnes à qui cette demande est faite. St Jean écrit : « Quelques-uns (des Grecs) abordèrent Philippe, qui était de Bethsaïde en Galilée. (…) Philippe va le dire à André. » La demande à voir Jésus est adressée à deux apôtres, c’est-à-dire à l’Eglise. Et c’est l’Eglise qui reçoit cette demande : « Nous voudrions voir Jésus ». De là, découle la mission de l’Eglise qui est de conduire à Jésus, et de donner à voir Jésus. Faisons bien attention à ne pas nous tromper dans l’attente de ce que l’Eglise doit nous donner. Aujourd’hui, beaucoup d’attentes sont formulées par rapport à l’Eglise ; des attentes toutes légitimes, certes ; parfois excessives, au risque de décevoir les gens. (Je pense par exemple aux attentes démesurées quant au synode sur la famille…) Mais la diversité et la multiplicité de ces attentes ne doivent pas masquer sa mission première qui est de conduire à Jésus.
L’Evangile nous apprend en outre que pour chercher à voir Jésus, il faut le suivre : « Si quelqu’un veut me servir, qu’il me suive ; et là où je suis, là aussi sera mon serviteur. » Pour découvrir Jésus, pour le voir, il faut accepter de le suivre.
Frères et sœurs, aujourd’hui encore l’Eglise montre Jésus au monde ; pas forcément l’Eglise constituée des évêques, des prêtres, mais l’Eglise constituée du peuple de Dieu. Aujourd’hui encore le Père glorifie son Fils dans nos frères et sœurs martyrs qui meurent parce qu’ils restent fidèles à la foi qu’ils ont reçue. Prions au cours de cette messe pour tous les martyrs chrétiens en Irak, en Lybie, en Syrie, dans certains pays d’Afrique, qui glorifient Dieu par l’offrande de leur vie. Puisse leur sacrifice être source de fécondité pour l’Eglise dans leur pays ; et puisse leur sacrifice réveiller notre tiédeur de chrétiens occidentaux. Amen
